Une médaille pour Stéphanie
À quelques jours de l’ouverture des Paralympiques, la France se remet à l’heure des Jeux. Loin des caméras, des équipes s’activent pour que tout se passe bien. Mon amie Stéphanie est de la partie.
Vous ne la trouverez ni sur les pistes ni dans les bassins et encore moins sur un ring ou un tatami. Pourtant, Stéphanie Cillio est une « performeuse » à qui je décernerais, bien volontiers, une médaille. Alors que vous vous demandez peut-être ce qu’elle a accompli pour en mériter une, qu’elle soit de bronze, d’argent ou d’or, je comprends que justifier un choix fondé sur une affection réciproque et ancienne (dont je parlerai plus loin) n’est pas simple… Et si nous revenions à nos Jeux ?
À la fois si près et si loin des Jeux
Stef (comme je l’ai toujours appelée) n’est pas une athlète, mais elle travaille pour l’Économat des Armées (EdA), qui joue un rôle essentiel dans le dispositif sécuritaire mis en place à l’occasion des JO de Paris 2024 et des Paralympiques, organisés par le Comité International Paralympique. Ainsi, pendant que l’ambiance sera de nouveau à la fête et que les athlètes nous régaleront avec des performances que j’imagine, d’ores et déjà, époustouflantes, l’équipe de superviseurs de l’EdA, dont fait partie mon amie, sera au taquet. Et il en sera de même jusqu’à ce que les lampions soient définitivement éteints.
Stef et ses cinq collègues – tous des hommes et pour la plupart d’anciens militaires – sont basés au camp Caporal Alain Mimoun, où depuis le 9 juin dernier, ils se relaient sept jours sur sept, de 6h30 à 19h30, pour que tout fonctionne bien et qu’il ne manque rien sur le camp. « Nous nous occupons de beaucoup de choses dont l’hébergement, la restauration, l’approvisionnement en eau, le tri des déchets, l’assainissement et même du Wifi » explique-t-elle. Il faut dire que ce site abritant, en temps « normal », la Foire du Trône, a été conçu pour accueillir jusqu’à 4 500 militaires, gendarmes et policiers pour toute la durée des compétitions.
Face à de telles responsabilités, difficile de se laisser distraire. Comme pour les premiers Jeux, Stef n’aura quasiment pas le temps de suivre les épreuves et devra se contenter des résumés ou des rediffusions dans les médias.
Une civile bien dans ses baskets chez les militaires
Être au cœur des JO sans pouvoir assister aux épreuves, est-ce frustrant ? « Non, je reste concentrée sur ma mission » assure mon amie qui, en y regardant de plus près, a toujours eu une rigueur que l’on pourrait qualifier de militaire. Pourtant, elle ne vient pas d’un « milieu militaire » précise-t-elle tandis qu’elle se souvient que c’est son désir de revenir vivre et travailler en Afrique qui l’a conduite à rejoindre l’EdA, avec, sous le bras, ses deux Masters (Recherche en Sciences de Gestion et Administration des Affaires) et, dans le cœur, un amour débordant pour ce continent. Depuis qu’elle a rejoint l’Économat des Armées, elle est intervenue au Mali, au Niger, au Tchad et plus récemment en Roumanie. D’abord engagée comme responsable administratif et financier, c’est la première fois qu’elle occupe un poste de superviseur et se réjouit d’avoir eu l’opportunité de relever de nouveaux défis dans le cadre d’un tel évènement.
Alors que les Paralympiques promettent cette année de battre des records de participation, Stef, sans être dans les gradins, aura une pensée spéciale pour les athlètes dont le monde s’apprête à découvrir les extraordinaires capacités. « Espoir et puissance, sont les mots qui me viennent à l’esprit quand je vois ce qu’ils sont capables de faire » dit-elle sans pour autant citer des sportifs en particulier. Pour elle, ils sont tous « exceptionnels et inspirants ». Cette façon de dire les choses et de voir le groupe avant l’individu lui ressemble bien.
Adepte du tourisme intégré, elle a même séjourné au mystérieux Pays Dogon, au Mali. « J’aime découvrir des civilisations anciennes et être proche des gens. J’apprécie leur sensibilité, leur bienveillance et leurs valeurs comme la solidarité » explique Stéphanie qui se sent partout « comme un poisson dans l’eau », que ce soit sur les camps militaires ou dans les villages. Mon amie a la chance d’avoir su trouver un équilibre entre les exigences de sa vie professionnelle et les petits bonheurs de la vie en communauté en terre africaine, source d’inspiration. Des histoires qui prennent la forme de colliers, qu’elle confectionne avec des perles en bois, en terre cuite, en verre, etc, collectées lors de ses voyages.
Amies un jour, amies toujours
Stef a découvert l’Afrique à l’âge de cinq ans, avec un perroquet du Gabon que son père avait rapporté d’un voyage. C’était un peu avant qu’elle et sa famille aillent vivre à Dakar (Sénégal), où elle passe son enfance et sa jeunesse. C’est dans la capitale sénégalaise que nous nous sommes connues, en 1995, par l’intermédiaire d’une connaissance. Elle travaillait à l’Agence française de Développement (AFD) et moi à la radio Nostalgie Dakar (alors filiale de Nostalgie France), mais notre complicité n’a pas grand-chose à voir avec la comptabilité (son premier métier) ou le journalisme.
La musique est à l’origine de notre rencontre. Stef adorait le reggae et moi, j’étais bassiste dans le groupe Africa Reggae Roots Ambassadors (ARRA). Une passion commune à laquelle nous consacrions beaucoup de notre temps libre. Elle, en tant que manager, et moi, en tant que musicienne. La musique était pour nous un moyen de passer de beaux moments ensemble, mais surtout de transmettre des messages pour des causes qui nous tenaient à cœur, comme celles des enfants, des femmes ou des personnes vivant avec un handicap. Elle organisait des concerts à thème avec diverses organisations (associations, ONG, etc.).
Entre Stef et moi, il y a toujours eu une grande affection, empreinte de pudeur, et une bonne entente, nourrie par une vision commune : celle d’un monde plus respectueux de l’autre et de la nature. Nous aimions les discussions philosophiques, spirituelles. Et ça n’a pas changé.
Les Paralympiques, des Jeux inspirants
Mon amie a un bel esprit qui lui vaut aujourd’hui la médaille de… l’amitié. À quelques jours de l’ouverture des Paralympiques, prévue le 28 août 2024, et dans lesquels elle joue un rôle, cette distinction me permet aussi de saluer son parcours dans un environnement qu’elle aurait pu éviter parce qu’elle est une femme, civile de surcroît. Dans une certaine mesure, cette posture me rappelle celle des athlètes paralympiques, dans un monde où l’on peine souvent à accepter les différences.
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